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16/04/2007

Pie XII, Nonce, et Yad Vachem

Le nonce apostolique en Israël, Mgr Antonio Franco a donc finalement participé à la cérémonie organisée à Yad Vashem à Jérusalem pour le début du Yom Hashoah. Le nonce avait pourtant annoncé très officiellement qu'il ne se rendrait pas à Yad Vashem, car il ne pouvait supporter la lecture de la notule qui accompagne la photo de Pie XII dans l'exposition du Musée, et qui insiste sur la faiblesse des réactions du Pape devant l'extermination des Juifs d'Europe....Le nonce apostolique en Israël, Mgr Antonio Franco a donc finalement participé à la cérémonie organisée à Yad Vashem à Jérusalem pour le début du Yom Hashoah.

Yad Vashem s'était indigné de la déclaration du nonce. Il y avait de quoi : personne n'obligeait Mgr Franco à aller examiner une nouvelle fois la photo en question puisque la visite du Musée n'était pas un élément de la cérémonie, et le fait qu'il privilégiait ce ressentiment personnel par rapport à un recueillement pour les six millions de victimes impliquait qu'il accordait une importance insignifiante à la Shoah au centre de l'histoire d'une Europe façonnée par le christianisme (dixit Benoit XVI).

On pouvait avoir quelques doutes non seulement sur la sensibilité mais aussi sur l'intelligence de ce nonce, en Israël depuis deux ou trois ans, et qui ne s'était fait pas connaître par quelque fait retentissant jusque là et qui n'hésitait pas à déclencher une crise avec Yad Vashem, c'est-à-dire avec Israël en tentant de faire un véritable chantage sur le musée: le directorat de Yad Vashem a eu mille fois raison de souligner que le texte sur le Pape Pie XII correspondait aux données actuelles de la connaissance historique, mais qu'il pourrait être changé si l'ouverture des archives du Vaticant permettait de modifier dans un sens plus positif le regard porté sur Pie XII.

Et c'est là que nous avons affaire à un véritable forcing de la part de certains secteurs du Vatican (auxquels le nonce semble appartenir) dont le but est de parvenir à la béatification puis à la canonisation de Pie XII. Le père Pierre Blet, jésuite, est l'homme clé de cette opération, la caution historienne nécessaire. Le père Blet est un spécialiste de Pie XII, il a publié de nombreux documents relatant les actes du pontificat, toujours de façon dithyrambique, et pour cause: il est apparemment le seul à avoir accès aux archives du pontificat. Laisser les autres historiens travailler sur ces archives? C'est compliqué, répond-il, ce n'est pas la tradition de l'Eglise de rendre les archives disponibles si tôt, et puis ces archives doivent auparavant être mises en ordre et classées, ce qui prendra plusieurs années, et enfin de toute façon il n'y a plus rien à trouver puisque lui,père Blet, a déjà publié tout ce qui était intéressant sur le sujet. Autrement dit, circulez, il n'y a rien à voir...Et ajoute-t-il (figure typique de l'argument d'autorité destiné à impressionner le lecteur) "tous les historiens sérieux sont d'accord sur le rôle très important du Pape dans le sauvetage des Juifs". Donc, si vous mettez en doute ce que je dis, c'est que vous n'êtes pas un historien sérieux...

Mais la réalité est qu'il y a peu d'historiens sérieux qui suivent le père Blet. Depuis Saul Friedlander en 1966 à Suzanna Zuccotti ou Giovanni Miccoli, nombreux sont les historiens qui ont mis en évidence les "faiblesses" du comportement de Pie XII au cours de la guerre, lui qui avait été parmi les premiers à être prévenu de l'importance des massacres. A plusieurs reprises il avait refusé de prendre publiquement position malgré des objurgations diverses (notamment de représentants du gouvernement polonais en exil. Il n'a d'ailleurs pas pris position non plus sur les massacres de polonais catholiques: sa haine du communisme prédominait sur le reste.... Son discours du 24 décembre 1942 est une réponse bien limitée et bien filandreuse à la gravité des crimes nazis; aucune excommunication n'a jamais eu lieu contre les assassins.

Il est comme toujours des juifs pour en rajouter dans le dithyrambe: un diplomate israélien Pinchas Lapide avait écrit il ya longtemps que Pie XII avait sauvé 700 000 juifs. Personne n'a jamais su d'où ce nombre incroyable était sorti mais il a continue de circuler. Golda Meir, historienne "sérieuse" comme chacun le sait avait également débordé d'éloges sur le comportement du Pape pendant la guerre: c'est qu'il était intéressant d'obtenir alors l'appui diplomatique du Vatican pour l'Etat d'Israël. Récemment enfin, un Rabbin américain, David Dalin a repris ces histoires: le procédé est simpliste: de nombreux Juifs ont été sauvés dans les monastères italiens: on en conclut que le Pape est à l'origine de ces sauvetages. Mais les souvenirs du père Benoit, cet extraordinaire Juste des Nations qui après avoir tenté de sauver les Juifs de la région de Marseille et de Nice a été à l'origine de la Delacem, qui a été active dans l'organisation des caches, suggèrent que le Pape n'a pas eu d'initiative réelle dans ce projet.

Donc le balancier actuel penche nettement pour le doute vis-à-vis de l'activité du Pape pour sauver les Juifs, en dehors de certains cas très particuliers (le Rabbin de Rome Zolli, ultérieurement converti au christianisme et quelques autres...). Qu'on ouvre donc les archives!.....

Il ne semble pas, malgré la pièce si connue de Hochhuth (le Vicaire, 1963), dont la trame a été reprise par Costa Gavras dans son film Amen, mais dont les conditions d'élaboration ont été elles-mêmes discutées (brulôt établi par le KGB pour déstabiliser la papauté?) que le Pape Pie XII ait été un partisan des nazis: mais il les détestait moins que les bolchéviques. En signant en 1933 comme Cardinal Pacelli, le Concordat il a lié l'Eglise au régime nazi et l'a rendue impuissante "pour un plateau de lentilles", c'est-à-dire le maintien théorique de ses activités éducatives. Erreur dramatique qu'il n'a jamais reconnue car elle obérait son image de "grand " diplomate.

Mais plus encore, pour les Juifs, il a été le Pape qui après la guerre a couvert le fuite des nazis en Amérique du Sud, organisée par le célèbre évêque croate de Rome Alois Hudal. Et puis il a été le Pape qui alors qu'il n'y avait plus à avoir peur de représailles (je pense que Pie XII était un homme de cabinet, physiquement peureux et non habitué au contact physique...) n'a pas trouvé le temps de dire une phrase, un mot sur les massacres de Juifs dans ses années de pontificat d'après guerre, lui qui a tant parlé des dangers et des crimes du communisme...

De fait, la béatification de Pie XII en l'état actuel des choses entraînerait à coup sûr une crise grave dans les relations judéo-catholiques. C'est peut-être ce qui est recherché par certains courants de l'Eglise voulant prendre leur tardive revanche sur Vatican II et ses ouvertures notamment vers les Juifs.
De ce point de vue l'obligation qui a été faite au nonce, certainement par sa hiérarchie alertée, de participer aux cérémonies de Yad Vashem et de manger ainsi son chapeau est probablement l'événement le plus important dans sa signification, le plus rassurant aussi sur la pérennité des bonnes relations judéo-catholiques sous le pontificat de Benoit XVI, même quand celles-ci, comme ces dernières semaines sont soumises à certaines tensions (statut fiscal des établissements catholiques en Israël...). Les excellentes relations que nous avons tissées dans ce domaine avec l'Eglise de France ont peut-être joué leur rôle...


Par Richard Prasquier, le 13 avril 2007

10/09/2004

Début de dialogue encourageant entre les musulmans de l'UOIF et les juifs du CRIF

Article du 10/09/04
Par Xavier Ternisien
Source : LE MONDE

"Toucher à un juif, c'est contraire aux principes de l'islam", a dit le secrétaire général de la fédération musulmane, Fouad Alaoui. "L'UOIF a fait preuve de maturité", a indiqué Bernard Kanovitch, du CRIF.
Ils sont arrivés en retard, vers 18 h 20, alors qu'une troupe de journalistes les attendaient sur le trottoir de la rue Broca, dans le 5e arrondissement de Paris, face à l'immeuble qui abrite le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Un camion de police stationnait à proximité.

Fouad Alaoui, le secrétaire général de l'Union des organisations islamiques de France (UOIF), est descendu d'un taxi, débonnaire et sans cravate, entouré de deux autres représentants de la fédération musulmane.

Aussitôt, une dizaine de nervis de la Ligue de défense juive, qui s'étaient postés en embuscade, se sont mis à vociférer : "Alaoui, facho ! nazi ! Soutien du Hamas, terroriste !"Les jeunes extrémistes ont distribué des tracts accusant les dirigeants du CRIF d'avoir "sciemment accepté de devenir des protégés de l'islam : c'est-à-dire de nouveaux dhimmis", acceptant un statut d'infériorité. Placide, M. Alaoui s'est tourné vers la petite bande en disant : "Continuez, ça ne me dérange pas..." Puis il a franchi le sas vitré qui mène au Centre Rachi, abritant le CRIF.

De l'avis unanime, la rencontre s'est bien déroulée. Pendant une heure et demie, les représentants de l'UOIF ont dialogué avec les membres de la commission des relations avec l'islam du CRIF, en présence du président, Roger Cukierman. C'est principalement Fouad Alaoui qui a parlé. Il s'est placé sur un plan religieux pour dénoncer l'antisémitisme : "Toucher à un juif, c'est contraire aux principes de l'islam." Il a insisté sur le fait qu'il était "hors de question d'importer un conflit étranger sur le territoire français". Des applaudissements ont salué son discours. Le journaliste Jean-Pierre Elkabbach était présent dans la salle, comme "témoin muet". C'est lui qui était à l'origine de la rencontre, ayant lancé cette proposition lors d'un débat sur Europe 1, le 13 juin.

"DÉBAT FRANC ET SEREIN"

Richard Prasquier, président du Comité français pour Yad Vashem, s'est inquiété d'un "climat détestable dans les écoles, où il n'est plus possible d'enseigner la Shoah". Certains ont reproché à l'UOIF de ne pas condamner suffisamment les actes antisémites. M. Alaoui a répondu qu'il l'avait fait à plusieurs reprises, mais qu'il jugeait nécessaire de savoir au préalable si l'on avait affaire à un acte antisémite ou "de délinquance". Le souhait général était de "faire quelque chose ensemble", même si aucune date n'a été fixée pour une nouvelle rencontre. Cependant, les représentants du CRIF n'excluaient pas de se rendre, à leur tour, au siège de l'UOIF.

Les deux parties n'ont finalement pas signé de communiqué commun, l'UOIF ne l'ayant pas voulu. Chacun s'est contenté d'une déclaration à la sortie. "Le débat a été franc et serein, a commenté Fouad Alaoui. L'UOIF a affirmé que les deux communautés devaient participer à un effort en faveur de la paix sociale. Notre condamnation de l'antisémitisme est totale. De même que nous sommes inquiets de la montée du racisme et de l'islamophobie. Nous souhaitons qu'on ne qualifie pas chaque acte antisémite comme d'origine musulmane."

Le président de la commission des relations avec l'islam du CRIF, Bernard Kanovitch, a déclaré : "Un dialogue est ébauché. Nous avons exprimé les inquiétudes de la communauté juive face à la montée des violences et de l'intolérance. Nous avons demandé à l'UOIF de veiller à l'enseignement des imams dans les mosquées. Cela demandera une surveillance de notre part. Mais l'UOIF a fait preuve de maturité."

Les participants ne cachaient pas leur satisfaction prudente. Le président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), Yonathan Arfi, parlait d'un dialogue "nécessaire" : "Cela fait quelque temps qu'on est sorti du fantasme autour des "gens de l'UOIF"." En même temps, il se montrait sceptique sur les suites : "Le CRIF est un organe politique, qui se trouve face à une entité religieuse. D'où une part d'incompréhension, par exemple sur la nature du sionisme, qui est un mouvement national."

L'ancien président du B'nai B'rith, Yves Kamami, estimait que "la réunion pouvait avoir des effets positifs. En tout cas, M. Alaoui a prononcé des mots forts, affirmant sa volonté de paix civile et de ne pas importer le conflit israélo-palestinien." Puis il livrait, peut-être, la clé du succès de la rencontre : "Le but était d'éviter de parler de ce conflit. Il fallait discuter de ce qui nous rapproche et pas de ce qui nous divise."