31/01/2007

Lettre de candidature à la Présidence du CRIF

Paris, le 1er février 2007

J'ai décidé de me présenter à la Présidence du CRIF.

J'ai longtemps réfléchi et beaucoup écouté avant de prendre cette décision.

Depuis de nombreuses années je mène de front un travail de cardiologue qui me donne beaucoup de bonheur à des engagements communautaires dont on s'accorde à dire qu'ils ont été productifs. C'est donc avec une certaine gravité que je prends l'engagement de consacrer, si je suis élu, toute mon énergie au service de notre institution en limitant mon activité professionnelle à un minimum (deux demi-journées par semaine) nécessaire à mon équilibre personnel.

Je me présente à vous en homme libre de toute attache politique ou partisane, ce que j'entends bien rester car je pense que le CRIF ne peut être respecté que s'il est totalement indépendant. Indépendant ne veut pas dire seul, bien au contraire. De ce point de vue les nombreux appuis que j'ai reçus dans mon initiative m'encouragent profondément.

L'action du CRIF, je souhaite l'engager , conformément à nos traditions, sous l'exigence éthique inscrite dans les Maximes de nos Pères: "Savoir être pour soi et savoir ne pas être uniquement pour soi".

Etre pour soi, dans ces temps difficiles, cela veut dire être proche d'Israël. Certains me connaissent pour mon travail de mémoire, d'autres pour mon rôle dans les relations judéo-chrétiennes. Quelques-uns savent que ce qui donne sens à tous mes engagements est le lien indissoluble avec Israël : toute ma vie militante entre autres l'AUJF, les Bonds dont j'ai été le Président pour la France pendant 7 ans,Yad Vashem actuellement, a été axée sur Israël, j'y vais plusieurs fois par an depuis 40 ans, je parle bien sûr hébreu et j'y ai une fille, un gendre et un petit-fils, sans compter les rares membres survivants de ma famille. Je conçois le travail de mémoire non comme une prison qui enferme sur le passé, mais comme une leçon de lucidité pour l'avenir. Elle nous enseigne notamment qu'il faut prendre les paroles et les menaces au sérieux.Transformer les représentations mentales à l'égard d'Israël, si communément hostiles pour des raisons qui dépassent la simple "guerre de l'image" est une mission essentielle.

Le Président du Crif n'est pas, nous le savons, l'ambassadeur bis d'Israël en France, comme le colportent les nouveaux antisémites. Il est français et réagit comme tel. Il n'a pas à prendre position sur l'Alyah, mais il doit tout faire pour que celle-ci soit un choix personnel positif et non pas une réaction de fuite. La facilité des transports, la force des liens, familiaux ou autres avec Israël font de la communauté juive de France un cas exceptionnel dans la diaspora. Le rôle du Président du CRIF est de favoriser la perméabilité, la double circulation entre les deux cultures, les deux histoires, les deux projets, car la fécondation mutuelle du judaïsme et de la France a produit de belles pages de nos histoires respectives.

Ne pas être uniquement pour soi, cela veut dire que nous ne pouvons pas nous enfermer dans des murailles mentales. Je ne sais pas si nous sommes dans une phase de lutte des civilisations mais je suis sûr que nous sommes dans une guerre des valeurs. Nous devons donc renforcer et créer des liens avec ceux qui partagent une même conception de la vie, avec les acteurs politiques démocrates, avec les chrétiens, avec les musulmans modérés, avec les associations diverses qui font vivre notre société civile, avec les enseignants, avec tous ceux qui risquent d'être happés par la fascination de la haine et du bouc émissaire: notre ennemi c'est l'extrémisme islamiste, mais c'est aussi la tendance à faire pénitence des crimes de l'Occident sur le dos d'Israël. Mon activité au sein du CRIF a consisté à développer des ponts: je saurai continuer de le faire avec l'aide de chacun d'entre vous.

Ces liens, il est aussi important de les sauvegarder avec les autres organisations juives nationales, en particulier avec le judaïsme américain dont l'importance est considérable: depuis de nombreuses années, en tant que responsable des relations internationales du CRIF et bon anglophone, j'ai une expérience toute particulière, enrichie par plusieurs de nombreux voyages des organisations juives américaines et j'entretiens des relations d'estime et parfois d'amitié avec les dirigeants des plus grandes d'entre elles.

Né en 1943 dans la Résistance, le CRIF est l'expression d'une identité juive qui dépasse le strict sens religieux et s'inscrit dans une vision pluraliste de la communauté juive: renforcer le CRIF, c'est renforcer la voix des Juifs de France; vouloir l'affaiblir, ou le" doublonner", c'est vouloir tous nous affaiblir. Je combattrai avec force toute tentative éventuelle de la sorte.

Les temps sont révolus des initiatives solitaires. Le CRIF se doit d'être en phase avec les pensées, les espoirs, les inquiétudes et les actions des Juifs de France: cela suppose de vouloir écouter ceux qui sont sur le terrain, qui ont une expertise ou une vision, autrement dit de travailler en équipe, utiliser et stimuler toutes les compétences disponibles. Des efforts ont été faits, ils doivent être renforcés pour faire participer au travail commun ceux dont les rapports avec le CRIF étaient jusque là épisodiques. Je préfère la métaphore de la ruche à celle de la pyramide...

Aujourd'hui, le CRIF a acquis une légitimité et un prestige indiscutable. Je rends hommage à ses anciens Présidents et en particulier à Roger Cukierman, qui a su dans une conjoncture difficile porter fort sa parole et donner à l'institution les moyens effectifs de son efficacité. A ses côtés comme conseiller depuis six ans, j'ai suivi les dossiers, j'ai participé aux décisions et j'ai acquis la culture
nécessaire à la tâche d'un Président du CRIF. Mes prises de position personnelles (affaires Morin, Boniface..) témoignent, je pense, de mes capacités d'expression dans la presse générale. Dans les années qui viennent, et qui, je pense seront difficiles pour les Juifs de France, nous risquons de continuer de subir des attaques brutales ou aux mieux insidieuses sous les deux prismes éprouvés que sont la diabolisation (du sionisme) et la minoration (du terrorisme, de l'antisémitisme et du danger iranien). Nous saurons lutter efficacement contre les discours hostiles.

Mon métier m'a appris à écouter, détecter, anticiper et faire des choix. On me reconnaît la capacité de réflexion et le sens de l'équipe et de la solidarité. Je ne crains pas la pression, ni la contradiction positive. Je sais être tenace pour faire prévaloir ce qui m'importe .

J'ai la chance de solliciter le vote des représentants d'une communauté juive française riche de sa diversité, de ses divergences assumées, vibrante et chaleureuse, unie autour de valeurs fortes, de la défense de ses traditions, la proximité avec Israël et le rejet des extrémismes. Je saurai, si je suis élu être à la hauteur de cette mission.


Richard Prasquier


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